Égyptologie. Pouvoir et dieux. Claude Traunecker
Jeudi 11 avril 2024, nous avons eu la chance d’accueillir un égyptologue
L’intervention de Claude Traunecker nous a plu pour la simplicité avec laquelle il raconte l’histoire et l’architecture, utilisant un vocabulaire banal et parfois drôle, et l’évocation de beaucoup d’aspects du monde de l'ancienne Égypte qui paraît rempli de mystères : ses dieux, ses constructions grandioses, les pharaons, les rites (propreté, paroles performatives, conservation des corps), écritures (hiéroglyphique, hiératique et démotique) ou encore la malédiction des tombes égyptiennes (inventée par des journalistes anglais).
Claude Traunecker nous a présenté quelques éléments de réussite : l’importance d'être curieux même face à des choses qui paraissent évidentes, ou la nécessité en égyptologie de maîtriser le français, l’anglais et l’allemand car les comptes rendus peuvent être écrit dans différentes langues. Il a aussi exposé le principe du rasoir d'Occam : l'essentiel d’un arbre est le tronc et non pas les branches ; il faut éliminer les informations inutiles et complexes, soit « raser les buissons » et ne garder d’abord que l’essentiel pour comprendre un sujet.
Cette intervention était d’autant plus intéressante qu’il y avait des objets tels que des copies de papyrus ou des livres d’égyptologie. Nous remercions chaleureusement Claude Traunecker d’être venu et de nous avoir fait part de ses expériences.
Il nous a expliqué son parcours étonnant puisqu’il a fait des études en chimie dans un lycée professionnel à Strasbourg et a commencé dans l’industrie textile. Passionné d’égyptologie il a rejoint l’université sur concours. Cette double formation lui a été très utile au fil de sa carrière. Il est devenu assistant pour des fouilles en Égypte puis a obtenu un doctorat et réalisé 3 thèses. Chercheur au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), épigraphiste, c’est-à-dire spécialisé dans la lecture d’écriture gravée, il a été restaurateur de monuments et a enseigné aux universités de Louvain et de Strasbourg dont il fût directeur de l'Institut d'égyptologie et de papyrologie ainsi qu’à l’École du Louvre. Il a vécu 14 ans en Égypte et fait beaucoup d'aller-retour pour participer à des travaux et campagnes de fouilles et d’étude comme celle de la tombe thébaine 33.
Les dieux égyptiens ont une apparence (humaine ou animale), un nom et une fonction mais qui sont interchangeables. Il faut donc toujours lire les hiéroglyphes autour pour comprendre quelle divinité est représentée et son rôle. Les représentations divines sont souvent des assemblages et il n’y a pas de famille de dieux.
Les temples égyptiens sont tous différents (le temple type n’existe pas). Le temple est une forteresse dont l’accès est réglementé, entourée de remparts, un coffre-fort au sein duquel le dieu est présent physiquement sous la forme d’une statuette à son image ; le temple est sa demeure.
Le pharaon est le représentant de l’humanité dans le monde divin, un député de l’humanité auprès des dieux. Il est seul à pouvoir communiquer avec eux et pour cela il doit être pur et suivre des rites précis.
Le tombeau est une perpétuation de son rôle. Dans la Vallée des Rois, une soixantaine de tombes furent pillées mais ce ne fût pas le cas de celle de Toutankhamon découverte en 1922 par H. Carter et L. Carnavon, connue pour son trésor, sorte de « vide grenier » rempli d’objets personnels, bijoux et autres artefacts. Les tombes royales mesuraient 50 à 100 mètres mais celle de Toutankhamon est petite. Claude Traunecker nous a parlé des statues présentes à l’entrée dites « gardiennes du roi ». Cependant, pour lui ces statues montrent en réalité le roi en représentation, visible et acclamé de tous, et étaient possiblement exposées dans des niches du temple après une procession.
La tombe de Padiamenopé (Tombe Thébaine 33) étudiée Claude Traunecker est un hypogée phénoménal creusé dans la montagne au VIIe siècle avant notre ère. Elle est particulière puisqu’elle comporte des textes sacrés et funéraires sur la plupart des parois des galeries et pièces de ce labyrinthe composé de 22 salles étagées sur 4 niveaux avec des puits, escaliers, niches, des chapelles, une bibliothèque …
Lors de sa réouverture, l’équipe archéologique de Claude Traunecker, munie du plan réalisé par Dümichen à la fin du XIXe siècle, a rencontré plusieurs problèmes : des murs à démolir ; l’odeur nauséabonde d’ammoniaque causée par les déjections de chauve-souris, ou encore la modestie des moyens financiers de l’institut français d’archéologie ...
Padiamenopé, ce prêtre-lecteur, scribe savant passionné par les écritures qui vivait au VIIe siècle avant notre ère, souhaite la bienvenue et pause une sorte de défi : comprendre le but de sa tombe. Pourquoi un scribe possédait-il la plus grande tombe de Thèbes ? Aidés par des historiens, des architectes, des anthropologues et des archéologues, en analysant les artefacts et l’architecture du bâtiment, les égyptologues ont pu comprendre la personnalité de Padiamenopé, sa place dans la société de l’époque (25° et 26° dynasties), le contexte historique et culturel de l’impressionnante beauté de ce chantier titanesque. Finalement on suppose que l’objectif de cette tombe était de transmettre le savoir de cet intellectuel notamment sous la forme d’une anthologie de textes funéraires, soit une sorte de musée.
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